les Surmas ( Suri ) de la vallée du fleuve Omo en Ethiopie
Les Surmas ( aussi appelés "Suris", nom collectif attribué par le gouvernement éthiopien pour regrouper divers clans avec une langue et des coutumes similaires : Chai, Timaga et Suri Baale ) forment une peuplade qui habite dans les terres fertiles de la vallée de l’Omo, dans le sud-ouest de l’Ethiopie, non loin de la frontière avec le Sud Soudan, d’où selon les spécialistes ils sont originaires. La région est appelée Suri Woreda ( ou district ), et se situe dans la Zone Omo des Nations, Nationalités et Peuples du Sud ( SNNPR ). L’économie chez les Suris reposent sur l’élevage et l’agriculture. Ils élèvent vaches et chèvres, leur principale richesse; et cultivent sorgho, maïs, manioc, choux, haricots, ignames, ainsi que des épices et du tabac. Durant la saison sèche, ils collectent également du miel. L’orpaillage dans les ruisseaux alentours est également une source de revenus et de monnaie d’échange avec les marchands des autres régions. Les femmes Surmas fabriquent aussi des ustensiles et pots en terre qu’elles vendent aux peuples voisins, comme les Dizis, ainsi que les produits de leurs chasses, mais ces activités étaient en nette régression ces dernières décennies. Elles fabriquent aussi une bière artisanale ( gèso ) qu’elles commercialisent. Un homme Suri marié possède en moyenne 30 à 40 vaches. Ces vaches ne sont jamais tués sauf pour les besoins des cérémonies. Tout jeune homme Surma se choisit un nom de vache préférée, ou un surnom, et ses amis l’appelleront par le nom de sa vache favorite. Les vaches revêtent une importance – économique, sociale, symbolique - primordiale chez les Surmas et ceux-ci sont prêts à risquer leur vie pour leurs troupeaux. Chacun est jugé et considéré selon le nombre de vaches qu’il possède. Les hommes n’accèdent au mariage qu’après avoir acquis un certain nombre de vaches qui lui permettront d’acquitter la dot de la mariée. Les vaches sont données à la famille de la future mariée pendant et après la cérémonie de mariage. Au décès d’un vache de leur troupeau, les Surmas entonnent chants et prières à son intention.
Percer lèvres et lobes d’oreilles pour y loger des petits plateaux constitue un rituel majeur de la culture Suri. Seules les femmes arborent les plateaux labiaux, ou "labrets". A la puberté, la plupart des jeunes femmes se font arracher quelques dents inférieures pour pouvoir ultérieurement placer le labret. Ensuite la lèvre inférieure est percée, et étirée pour accueillir des plateaux de taille croissante. Avoir la lèvre percée est un signe de beauté et de bonne conduite chez la femme; une croyance répandue veut que plus le plateau labial de la femme est large, plus sa dot en bétail sera importante ( selon d’autres, cette croyance n’est plus de mise ). Selon d’autres croyances, la coutume du port d’un plateau labial est liée au tabou du sexe oral. De nos jours, de plus en plus de jeunes femmes tentent de ne plus porter ces plateaux mais de nombreux hommes continuent de trouver les femmes plus attirantes avec leur plateau ancestral. Selon certains anthropologues, cette coutume trouverait son origine dans une volonté de rendre les femmes moins désirables aux marchands d’esclaves. Les labrets sont généralement faits de terre cuite ou de bois, mais si vous regardez attentivement nos photos, vous verrez une femme utiliser un petit seau bleu en plastique comme labret. Par curiosité, nous avons offert un CD à une femme pour qu'elle l'utilise comme labret et elle semblait très satisfaite, tout comme son ami masculin.
Les Surmas tirent fierté de leurs scarifications et du nombre de celles-ci sur leurs corps. Les femmes scarifient leurs corps en entaillant leur peau avec une lame de rasoir et en y insérant des épines d’arbustes. Après avoir été entaillée, la chair peut éventuellement devenir scarifiée. Chez les hommes, la scarification est une manière de marquer qu’on a tué un ennemi d’une tribu rivale. Enfin, lors d’affrontements et de duels entre hommes d’un même groupe ( voir ci-dessous ), les coups échangés, douloureux, sont une manière de fortifier les jeunes hommes en les habituant au sang et à la douleur.
Le combat au bâton ou "Donga" : un sport et un rituel que les Suris pratiquent avec beaucoup de sérieux, un combat rituel avec de longs bâtons de bois. Chaque "équipe" est constituée uniquement de jeunes hommes célibataires désireux de montrer leur bravoure et d’obtenir ainsi le respect de leur famille et de leur village; il s’agit également d’un rite nuptial. Les combats opposent habituellement 2 villages durant la période la plus ardue de l’année, devant un large public, chacun des villages étant représenté par 20 à 30 combattants mûs par la volonté de combattre un adversaire du village rival. Ces affrontements prennent place sous les auspices de juges ou d’observateurs dont la mission est de veiller au bon respect des règles. Les jeunes hommes de chaque village se rendent sur le site de la Donga accompagnés de groupes de supportrices. Le vainqueur de chaque combat est autorisé à choisir sa préférée parmi les supportrices du village adverse. Chaque membre de l’équipe parie en quelque sorte sur les chances de ses sœurs ou cousines, nous sommes là vraiment dans un pur rite nuptial, dont la visée est de donner à chaque célibataire la possibilité de conclure une union avec d’autres célibataires de villages adverses. En regardant attentivement, on peut voir certaines jeunes filles supportrices faisant des gestes ou des sourires discrets à l’attention d’un combattant, pour lui signifier qu’elle souhaite être choisie par lui. Il n’est pas rare que certains combats s’achèvent dès les premiers coups échangés ( si un combattant tombe à terre, il est reconnu vaincu ), mais que ces combats peuvent être d’une violence extrême, avec parfois des morts, surtout à la suite de coups portés à l’estomac. Les hôpitaux ou dispensaires les plus proches sont au minimum à 170 kms des lieux de combat. Les blessures lors de ces combats pouvant être très sérieuses, et des morts pouvant survenir, la "Donga" a été officiellement abolie et déclarée illégale en 2010 par le gouvernement éthiopien.